top of page

Les luttes sociales et environnementales d'hier à aujourd'hui. La tragédie du 4.02.1888 à Rio Tinto

A l'occasion de la fête des travailleuses et des travailleurs, hommage aux luttes que les mouvements ouvrier.es ont porté et portent encore aujourd’hui.


Je me permets de partager ici l’histoire tragique de l'une de ces luttes qui a croisée l’histoire de ma famille.

Elle se passe dans le sud de l’Espagne dans la ville minière de Rio Tinto et est considérée comme une des premières lutte environnementale, sanitaire et sociale dans l’Espagne du XIXe siècle.

1877 à 1891, la mine de Rio Tinto a été le premier lieu de production mondial de cuivre. La mine est exploitée pendant 81 ans par le groupe minier Rio Tinto, jusqu'au milieu du XXe siècle, puis par les travailleurs, et est définitivement abandonnée en 2001.


Image tirée du film "El Corazón de la Tierra", Pipo Fernandez, 2006, https://pipofernandez.blogspot.com/p/el-corazon-de-la-tierra_11.html

Le 4 février 1888, peu après l’arrivée du nouveau directeur général, William Rich (à la tête d’une compagnie formée par un consortium international détenu majoritairement par la Deutsche Bank.. et oui déjà..), nommé par de nouveaux actionnaires de l'entreprise Rio Tinto, essentiellement londoniens, une manifestation de mineurs et d’agriculteurs qui protestaient contre les fumées des teleras (système de calcination du minerai en plein air) et les conditions de travail misérables fut réprimée par l’armée.



Bien que le Gouvernement central et la Compagnie minimisèrent l’événement, on estime a plus de deux cents le nombre de morts.

Ces faits sanglants sont connus dans la province de Huelva sous le nom d’« année de la fusillade » - año de los tiros.

La situation a eu un certain écho au niveau national, et dans la province la population se divisait entre « fumistes » (humistas), qui soutenaient leur utilisation comme symbole de progrès, et « antifumistes » (antihumistas), qui critiquaient l’énorme pollution.


Le 4 février au matin, s’organise une nouvelle manifestation, à laquelle se joignent des habitants de la ville proche de Nerva et des zones limitrophes, et une délégation se présente à la mairie pour exposer leurs revendications. La place de la Constitution de la localité est pleine de travailleurs, de femmes et d’enfants et l’on estime qu’il y avait douze mille manifestants. Il s’agissait d’une manifestation pacifique, mais, sans que l’on n’ait jamais su exactement par qui, l’ordre fut donné aux soldats de Pavía d’ouvrir le feu sur la foule, les soldats ayant ensuite achevé les blessés à coups de baïonnettes.


Un ouvrage historique majeur a été publie en français par le chercheur Gérard Chastagnaret (De fumées et de sang. Pollution minière et massacre de masse, Andalousie, XIXe siècle, Madrid, Casa de Velázquez, 2017, 423 p.), sur lequel une recension a été faite par François Jarrige, dont voici un extrait :


"Le 4 février 1888, dans la province de Huelva en Andalousie, des milliers de mineurs et de villageois manifestent contre les calcinations de pyrites à l’air libre, à l’origine de fumées très toxiques pour la santé publique, les activités agricoles et l’environnement. Malgré le pacifisme des manifestants, l’armée tire sans sommation, faisant près de 200 morts, ce qui fait de l’évènement l’un des pires massacres du siècle, rapidement travesti et rendu invisible par les autorités. Mais ce drame, qui a lieu trois ans avant le meurtre des neuf ouvriers et ouvrières de Fourmies qui frappa tant l’Europe, a largement été oublié.

(...)

L’affaire des pollutions de Rio Tinto dans l’Andalousie des années 1880 est d’importance, elle illustre le poids de l’impérialisme britannique et de ses entreprises qui utilisent ce recoin rural de l’Andalousie comme une terre sacrifiée aux besoins de la grande industrie, au mépris de l’agriculture et des habitants qui vivaient là. Elle montre les connivences entre les pouvoirs économiques et politiques, et comment les pollutions ont été rendues invisibles alors même qu’il s’agissait d’un enjeu important dans les sociétés en cours d’industrialisation."

Ces faits tragiques, qui ont causé une forte émotion nationale et internationale, peuvent être considérés comme une des premières manifestations écologiques. Les teleras ne furent totalement interdites en Espagne qu’en 1907 (source Wiki).


Pour aller plus loin :


Et pour découvrir le superbe musée de la mine de Rio Tinto




À l'affiche
Posts récents
Me suivre sur
  • Facebook Long Shadow
  • Twitter Long Shadow
  • YouTube Long Shadow
  • Instagram Long Shadow
Mes blogs préférés
Par tags
bottom of page